65

Cette nuit-là,

la petite étincelle d’un feu de camp rougeoyait parmi les éboulis d’Emigrant

Valley, au nord de Las Vegas. Songeur, Randall Flagg était assis devant le feu,

tournant la broche sur laquelle il faisait rôtir un petit lapin. La chair

grésillait et crachait sa graisse sur les braises. Une brise légère emportait

dans le désert la riche odeur de la viande grillée. Les loups étaient déjà là. Ils

s’étaient assis un peu plus haut, hurlant à la lune, humant l’odeur de la chair

juteuse. De temps en temps, Flagg leur lançait un regard et deux ou trois loups

commençaient à se battre, à coups de dents, à coups de crocs, à coups de pattes,

jusqu’à ce que le plus faible prenne la fuite. Alors les autres se remettaient

à hurler, le museau pointé vers l’énorme lune rougeâtre.

Mais les loups l’ennuyaient

maintenant.

Il portait ses bottes éculées, son

jeans et sa veste en peau de mouton avec ses deux macarons sur le devant – le

petit bonhomme jaune au grand sourire, et l’autre, celui du flic : vous

AIMEZ LE COCHON ? Le vent de la nuit faisait battre son col.

Il n’aimait pas la tournure que

prenaient les événements.

Il y avait de mauvais présages

dans le vent, de mauvais signes partout, comme des chauves-souris voletant dans

le grenier sombre d’une grange abandonnée. La vieille femme était morte et il

avait cru au début que c’était bien. Malgré tout il avait eu peur de la vieille

femme. Elle était morte. Il avait dit à Dayna Jurgens qu’elle était morte dans

le coma… mais était-ce vrai ? Il n’en était plus si sûr.

Avait-elle parlé à la fin ? Et

si elle avait parlé qu’avait-elle dit ?

Qu’étaient-ils en train de

préparer ?

Il avait acquis une sorte de

troisième œil. Comme le don de la lévitation ; quelque chose qu’il possédait

et qu’il acceptait mais qu’il ne comprenait pas véritablement. Il pouvait envoyer

ce troisième œil regarder pour lui… presque toujours. Mais parfois, l’œil

devenait mystérieusement aveugle. Il avait vu la vieille femme sur son lit de

mort, il les avait vus rassemblés autour d’elle, leurs plumes encore roussies

par la petite surprise de Harold et de Nadine… mais ensuite la vision s’était

évanouie et il s’était retrouvé dans le désert, emmitouflé dans son sac de

couchage, regardant le ciel et ne voyant rien d’autre que Cassiopée dans son

rocking-chair stellaire. Et une voix intérieure lui avait dit : Elle s’en

est allée. Ils attendaient qu’elle parle, mais elle n’a rien dit.

Mais il ne faisait plus confiance

à la voix.

Il y avait cette question

troublante des espions.

Le juge, et sa tête en mille

morceaux.

Cette femme, qui lui avait

échappé à la dernière seconde. Et elle savait, nom de Dieu ! Elle savait !

Soudain, il lança un regard

furieux aux loups et près d’une demi-douzaine se mirent aussitôt à se battre, poussant

des sons gutturaux, comme un bruit de tissu déchiré dans le silence de la nuit.

Il connaissait tous leurs secrets

sauf… le troisième. Qui était le troisième ? Il avait envoyé l’Œil maintes

et maintes fois, mais il ne lui rapportait rien que la face idiote et cryptique

de la lune. De la pleine lune.

Qui était le troisième ?

Comment cette femme avait-elle pu

lui échapper ? Il avait été totalement pris par surprise, sans rien d’autre

à se mettre sous la dent qu’un morceau de son chemisier. Il savait qu’elle

avait un couteau – un jeu d’enfant pour lui – mais il n’avait pas prévu qu’elle

se jetterait sur la baie vitrée. Et le sang-froid avec lequel elle avait sacrifié

sa vie, sans un instant d’hésitation… En l’espace de quelques secondes, elle s’en

était allée.

Ses pensées se poursuivaient, comme

des belettes dans le noir.

Tout ça faisait quand même un peu

désordre. Il n’aimait pas.

Lauder, par exemple. Harold

Lauder.

Il s’était si magnifiquement comporté, comme un de ces petits jouets mécaniques avec une clé plantée dans le

dos. Viens par ici. Va par là. Fais ci, fais ça. Mais les bâtons de dynamite n’en

avaient tué que deux – tous ces préparatifs, tous ces efforts gâchés par

le retour de cette vieille négresse moribonde. Et puis… lorsque Harold avait reçu

le salaire de sa peine… il avait failli tuer Nadine ! Flagg sentait encore

la rage monter en lui quand il y pensait. Et cette connasse restait là, la

bouche ouverte, attendant qu’il recommence, comme si elle voulait être

tuée. Et qui allait payer la note, si Nadine était tuée ?

Qui, sinon son fils ?

Le lapin était cuit. Il le fit

glisser de la broche dans sa gamelle de fer-blanc.

– C’est pas d’la bouffe, c’est

du rata, c’est pas d’la merde, mais ça viendra !

Il éclata de rire. Avait-il été

un jour dans les Marines ? Il croyait bien que oui. Il y avait un bleu, un

peu débile, un certain Boo Dinkway. Ils l’avaient…

Quoi ?

Flagg regarda sa gamelle en

fronçant les sourcils. Est-ce qu’ils avaient démoli le petit Boo à coups de bâton ?

Est-ce qu’ils ne lui avaient pas tordu le cou, plutôt ? Il se rappelait

vaguement une histoire d’essence. Mais quoi au juste ?

Dans un accès de colère, il

faillit jeter le lapin dans le feu. Je devrais quand même m’en souvenir, nom

de Dieu !

C’est pas d’la

merde, mais ça viendra, murmura-t-il.

Mais cette fois ne lui vint qu’une

vague bouffée de mémoire.

Il était en train de perdre la

boule. À une époque, il pouvait remonter dix, vingt, trente ans en arrière

comme quelqu’un regarde dans une pièce sombre du haut d’un escalier. Maintenant,

il ne se souvenait plus clairement que des événements qui s’étaient déroulés

depuis la super-grippe. S’il remontait plus loin, il s’enfonçait dans un

brouillard qui parfois se soulevait un tout petit peu, juste assez pour laisser

entrevoir un objet ou un souvenir énigmatique (Boo Dinkway, par exemple… si cet

homme avait jamais existé) avant de retomber.

Le plus ancien souvenir dont il

était sûr à présent, c’était celui de ce jour où il marchait en direction du

sud sur la nationale 51, vers Mountain City et la maison de Kit Bradenton.

Le souvenir de sa renaissance.

Il n’était plus vraiment un homme

s’il l’avait jamais été. Il ressemblait à un oignon qui se défaisait lentement

de ses pelures, une par une, et c’était des déguisements de l’humanité dont il

semblait se défaire : la réflexion organisée, la mémoire, peut-être même

le libre arbitre… si pareilles choses avaient jamais existé.

Il se mit à manger le lapin.

À une époque, il en était sûr, il

aurait tout simplement filé quand les choses auraient commencé à se gâter. Pas

cette fois-ci. Car il était chez lui, c’était son heure, et c’est ici que tout

se déciderait. Tant pis s’il n’avait pas encore pu découvrir le troisième

espion, tant pis si Harold s’était rebellé à la fin et avait eu l’incroyable impertinence

d’essayer de tuer la fiancée promise, la mère de son fils.

Quelque part dans le désert, cet

homme étrange, La Poubelle, était en train de flairer les armes qui permettraient

d’éliminer ces gêneurs de la Zone libre. Son Œil ne pouvait suivre La Poubelle

et il lui arrivait de penser parfois que La Poubelle était encore plus étrange

que lui, sorte de chien de chasse humain qui flairait la cordite, le napalm et

la gélignite avec la précision mortelle d’un radar.

Dans un mois, ou même moins, les

jets de la Garde nationale voleraient avec leur lot de missiles Shrike sous les

ailes. Et lorsqu’il serait sûr que la fiancée avait conçu, les jets

décolleraient en direction de l’est.

Il leva des yeux rêveurs vers la

lune aussi grosse qu’un ballon de basket et sourit.

Il y avait une autre possibilité.

L’Œil la lui montrerait en temps voulu, sans doute. Peut-être irait-il là-bas, déguisé

en corbeau par exemple, ou en loup, ou en insecte – une mante religieuse par

exemple, quelque chose d’assez petit pour se faufiler dans une prise d’air

soigneusement camouflée au milieu des hautes herbes sèches du désert. Il

avancerait en rampant ou en sautant dans des conduits noirs pour se glisser

finalement à travers la grille d’un climatiseur ou d’un ventilateur d’aération.

Cet endroit se trouvait sous la

terre. Juste à l’entrée de la Californie.

Il s’y trouvait des éprouvettes, des

rangées et des rangées d’éprouvettes, chacune avec sa petite étiquette Dymo

pour l’identifier : super-choléra, super-anthrax, nouvelle version améliorée

de la peste bubonique, toutes des souches mutantes comme cette super-grippe qui

avait été presque si universellement mortelle. Il y en avait des centaines dans

cet endroit ; assortiment complet pour tous les goûts, de toutes les couleurs.

Une pincée dans l’eau potable, Zone

libre ?

Une petite bouffée dans l’atmosphère ?

Une merveilleuse maladie des

Légionnaires pour Noël, ou préférez-vous la nouvelle grippe porcine, nettement

plus performante ?

Randy Flagg, le noir Père Noël, dans

son traîneau de la Garde nationale, avec un petit virus pour chaque cheminée ?

Il allait attendre, et il saurait

quand le moment serait enfin venu.

Quelque chose le lui dirait.

Tout allait bien aller. Pas de

disparition furtive cette fois-ci. Il était au sommet, il allait y rester.

Le lapin avait disparu. Le ventre

plein, Flagg se sentait redevenir lui-même. Il se leva, sa gamelle à la main, et

lança les os dans la nuit. Les loups se précipitèrent sur les restes et se

battirent furieusement en grondant, le blanc de leurs yeux illuminé par le

clair de lune.

Les mains sur les hanches, Flagg

renversa la tête en arrière et éclata de rire en regardant la lune.

Tôt le

lendemain matin, Nadine sortit de Glendale sur sa Vespa et prit l’autoroute 15.

Ses cheveux dénoués, blancs comme neige, flottaient derrière elle comme un

voile de mariée.

Elle se sentait un peu

malheureuse pour la Vespa qui lui avait rendu de si bons et loyaux services, mais

qui bientôt allait rendre l’âme. La route, la chaleur du désert, la traversée

laborieuse des montagnes Rocheuses avaient fait souffrir la petite machine. Le

moteur peinait et soufflait comme un asthmatique. L’aiguille du compte-tours

avait commencé à frissonner au lieu de rester docilement en face du chiffre 5 x

1000. Tant pis. Si la machine expirait avant qu’elle arrive, elle continuerait

à pied. Personne n’allait plus la poursuivre. Harold était mort. Et si elle

devait continuer à pied, il le saurait et enverrait quelqu’un la

chercher.

Harold avait tiré sur elle !

Harold avait essayé de la tuer !

Elle avait beau s’efforcer de ne

pas y penser, elle y revenait sans cesse. Comme un chien qui ne peut s’empêcher

de tourner autour de l’os qu’il a enterré. Ce n’était pas prévu. Flagg lui

était apparu en rêve cette première nuit, après l’explosion, quand Harold avait

finalement décidé de dormir. Il lui avait dit que Harold l’accompagnerait jusqu’à

ce qu’ils arrivent tous les deux sur le versant ouest des montagnes Rocheuses, presque

dans l’Utah. Là, il l’éliminerait dans un accident rapide, indolore. Une flaque

d’huile. La pirouette. Propre, net, sans bavure.

Mais l’accident n’avait pas été

net et sans bavure. Harold avait bien failli la tuer. La balle était passée

à quelques centimètres de sa joue. Pourtant, elle avait été incapable de bouger.

Pétrifiée, se demandant comment Harold avait pu faire une chose pareille, comment

on avait pu le laisser ne serait-ce que tenter une chose pareille.

Elle avait essayé de trouver une

explication rationnelle. Elle s’était dit que c’était la manière qu’avait

trouvée Flagg pour lui faire peur, pour lui rappeler à qui elle appartenait. Mais

l’explication ne tenait pas debout ! C’était insensé ! Et même si

elle avait pu tenir, une voix sévère lui disait que cette balle n’avait tout

simplement pas été prévue par Flagg.

Elle avait essayé d’écarter cette

voix, de lui fermer la porte comme on se barricade contre un indésirable dont

les yeux parlent de meurtre. Mais elle n’avait pas pu. La voix lui disait que

si elle était encore vivante, c’était un pur hasard. Que la balle de Harold

aurait pu tout aussi bien s’enfoncer entre ses deux yeux, et que Randall Flagg

n’y aurait été pour rien non plus.

Elle avait voulu croire que la

voix mentait. Flagg savait tout, jusqu’au gîte du moindre moineau…

Non, seul Dieu sait tout, répondait

la voix implacable. Il n’est pas Dieu. Et si tu es vivante, c’est par pur

hasard. Ta promesse ne tient plus. Tu ne lui dois plus rien. Tu peux faire

demi-tour et revenir, si tu veux.

Revenir, quelle plaisanterie !

Revenir ?

La voix n’avait pas grand-chose à

dire sur ce point ; Nadine aurait été surprise du contraire. Si l’homme

noir avait des pieds d’argile, elle l’avait découvert juste un peu trop tard.

Elle essayait de se concentrer

sur la froide beauté du désert dans la lumière du matin pour oublier cette voix.

Mais elle persistait, si basse et insinuante que Nadine en avait à peine

conscience :

S’il ne savait pas que Harold

allait pouvoir le défier et s’en prendre à toi, que sait-il vraiment ? Et

la prochaine fois, auras-tu autant de chance ?

Mais, mon Dieu, il était trop

tard. Trop tard depuis des jours, des semaines, peut-être même des années. Pourquoi

cette voix avait-elle attendu d’être inutile pour parler ?

Et, comme pour lui donner raison,

la voix se tut finalement et Nadine se retrouva seule dans le matin. Elle

roulait sans penser à rien, les yeux fixés sur la route qui se déroulait devant

elle. La route qui menait à Las Vegas, qui menait à lui.

La Vespa

rendit l’âme dans l’après-midi. Une sorte de grincement dans ses entrailles, et

le moteur cala. Nadine sentit une curieuse odeur chaude monter du moteur, un

peu comme du caoutchouc brûlé. Jusque-là, elle avait toujours roulé à soixante

à l’heure. Quelques instants plus tôt, la machine avait décidé de ne plus

avancer qu’au pas. Nadine se rangea sur l’accotement et actionna plusieurs fois

le démarreur, sachant que c’était inutile. Elle l’avait tuée. Elle avait tué

bien des choses sur la route qui la conduisait à son mari. Elle avait été

responsable de l’anéantissement de tout le comité de la Zone libre et de ses

invités lors de cette dernière réunion explosive. Ensuite, il y avait eu Harold.

Et puis, maintenant qu’elle y pensait, il y avait eu aussi le bébé de Fran

Goldsmith qui n’était pas encore né.

Elle avait mal au cœur. Elle fit

quelques pas en titubant et vomit son déjeuner. Elle avait chaud, elle délirait,

elle se sentait très malade, seule chose vivante dans ce cauchemar, dans ce

désert écrasé de soleil. Il faisait chaud… si chaud.

Elle se retourna en s’essuyant la

bouche. La Vespa était couchée sur le côté, comme un animal crevé. Nadine la

regarda quelques instants, puis se mit à marcher. Elle avait déjà traversé Dry

Lake. Elle allait donc devoir passer la nuit à la belle étoile si personne ne

venait la chercher. Avec un peu de chance, elle arriverait à Las Vegas dans la

matinée. Et tout à coup, elle eut la certitude que l’homme noir allait la

laisser marcher. Elle arriverait à Las Vegas affamée, assoiffée, brûlée par le

désert, vidée de la moindre parcelle de son ancienne vie. La femme qui faisait

la classe à de petits enfants dans une école privée de Nouvelle-Angleterre

aurait disparu, aussi morte que Napoléon. Avec un peu de malchance, la petite

voix qui la taquinait et l’inquiétait serait la dernière chose de l’ancienne

Nadine à expirer. Mais elle finirait par s’en aller elle aussi, naturellement.

Elle marchait sans s’arrêter et l’après-midi

était déjà bien avancé. La sueur dégoulinait sur son visage. À l’endroit où la

route rejoignait le ciel délavé, des nappes de mercure scintillaient en tremblotant.

Elle déboutonna sa chemise et l’enleva, poursuivant sa route en soutien-gorge

de coton blanc. Coups de soleil ? Et puis après ? Franchement, ma

chère, je n’en ai rien à foutre.

À la tombée de la nuit, la peau

qui recouvrait ses clavicules avait pris une terrible couleur rouge, presque

violette. La fraîcheur du soir tomba tout à coup, la faisant frissonner, et

elle se souvint qu’elle avait abandonné son matériel de camping avec la Vespa.

Elle regarda autour d’elle, hésitante,

vit des voitures ici et là, certaines enterrées jusqu’au capot dans le sable. L’idée

de s’abriter dans une de ces tombes la rendait malade – plus malade encore que

ses terribles coups de soleil.

Je délire, pensa-t-elle.

Quelle différence ? Elle

décida de marcher toute la nuit plutôt que de dormir dans une de ces voitures. Si

seulement elle avait été dans les Prairies. Elle aurait trouvé une grange, une

meule de foin, un champ de trèfle. Un endroit propre et doux. Mais ici, il n’y

avait que la route, le sable, la croûte durcie du désert.

Elle écarta ses longs cheveux qui

lui tombaient dans les yeux et comprit vaguement qu’elle aurait souhaité être

morte.

Le soleil était maintenant juste

en dessous de l’horizon et le jour en parfait équilibre entre lumière et ombre.

Un vent glacé l’enveloppa. Elle regarda autour d’elle, effrayée.

Il faisait trop froid.

Les buttes étaient devenues des

monolithes noirs. Les dunes s’arrondissaient comme d’effrayants colosses

renversés. Jusqu’aux saguaros épineux qui se dressaient comme des doigts

squelettiques, les doigts accusateurs de morts enterrés sous le sable.

En haut, la roue cosmique du ciel.

Elle se souvint des paroles d’une

chanson, une chanson de Dylan, froide, désespérée : Chassé comme un

crocodile… ravagé comme le mais…

Et aussitôt, une autre chanson, des

Eagles celle-là, effrayante tout à coup : Et je veux coucher avec toi

ce soir dans le désert… entourés d’un million d’étoiles…

Elle sut alors qu’il était là.

Avant même qu’il ne parle, elle

le sut.

– Nadine.

Sa voix douce monta dans l’ombre

grandissante. Infiniment douce, terreur enveloppante qui vous faisait vous

sentir chez vous.

– Nadine, Nadine… comme j’aime

aimer Nadine.

Elle se retourna, et il était là,

comme elle avait toujours su qu’il le serait un jour, aussi simplement que cela.

Assis sur le capot d’une vieille Chevrolet (était-il là un instant plus tôt ?

Elle n’en était pas sûre, mais elle ne le croyait pas), les jambes croisées, les

mains posées sur les genoux de son jeans délavé. Il la regardait en souriant

gentiment. Mais ses yeux n’avaient rien de doux. Ils disaient clairement que

cet homme ne pouvait ressentir la douceur. Elle voyait inlassablement danser en

eux une noire jubilation, comme les jambes d’un pendu dansent quand la trappe

du gibet vient de basculer.

– Salut, dit-elle. Je suis

ici.

– Oui. Enfin. Comme promis.

Son sourire s’élargit et il lui

tendit les mains. Elle les prit et, quand elle s’approcha de lui, elle sentit

la chaleur qui rayonnait de son corps, comme d’un four de brique. Ses mains

lisses, sans une ligne, glissèrent sur les siennes… puis se refermèrent sur

elle, comme des menottes.

– Oh, Nadine, murmura-t-il.

Il se pencha pour l’embrasser. Elle

tourna juste un peu la tête, regardant le feu glacé des étoiles, et son baiser

toucha le haut de son cou, au lieu de ses lèvres. Mais il ne s’y trompa point. Elle

sentit sa bouche dessiner une courbe moqueuse contre sa peau.

Il me dégoûte, pensa-t-elle.

Mais le dégoût n’était qu’une

croûte qui cachait quelque chose de pire – une envie sourde et cachée qui

fermentait depuis trop longtemps, un bouton sans âge qui mûrit enfin et s’apprête

à cracher bruyamment son liquide, une douceur depuis longtemps surie. Ses mains

qui glissaient sur son dos étaient bien plus chaudes que son coup de soleil. Elle

se colla contre lui et, tout à coup, la petite éminence qui s’élevait entre ses

cuisses lui parut plus ronde, plus pleine, plus tendre, plus consciente. La

couture de son pantalon l’irritait d’une manière délicatement obscène qui lui

donnait envie de se gratter, de se débarrasser de cette démangeaison, de la

guérir une fois pour toutes.

– Dites-moi une chose, dit-elle.

– Ce que tu voudras.

– Vous avez dit :

« Comme promis. » Qui m’a promise à vous ? Pourquoi moi ? Et

comment dois-je vous appeler ? Je ne sais même pas votre nom. Je vous connais

depuis presque toujours, et je ne sais même pas comment vous appeler.

– Appelle-moi Richard. C’est

mon vrai nom. Appelle-moi ainsi.

– C’est votre vrai nom ?

Richard ? demanda-t-elle, incrédule.

Il rit tout contre son cou et sa

peau se hérissa de dégoût et de désir.

– Et qui m’a promise ? demanda-t-elle

encore.

– J’ai oublié, Nadine. Viens

par ici.

Il se laissa glisser en bas du

capot de la Chevrolet. Il lui tenait toujours les mains et elle faillit les

arracher à son étreinte pour s’enfuir… mais à quoi bon ? Il aurait couru

derrière elle, l’aurait rattrapée l’aurait violée.

– La lune, dit-il. Elle est

pleine. Et moi aussi je suis plein.

Il prit sa main et la posa sur la

braguette usée de son jeans. Il y avait là quelque chose de terrible qui

battait, vivait de sa vie propre sous les dents froides de la fermeture Éclair.

– Non, murmura-t-elle.

Et elle essaya de retirer sa main,

pensant comme elle était loin de cette autre nuit de clair de lune, si

incroyablement loin. À l’autre bout de l’arc-en-ciel du temps.

Il colla sa main contre lui.

– Viens dans le désert et

sois ma femme.

– Non !

– Il est beaucoup trop tard

pour dire non, ma chérie.

Elle le suivit. Il y avait un sac

de couchage et les ossements noircis d’un feu de camp sous le squelette argenté

de la lune.

Il la coucha par terre.

– Très bien, dit-il d’une

voix haletante. Très bien.

Ses doigts défirent la boucle de

sa ceinture, le bouton du jeans, puis la fermeture Éclair.

Elle vit alors ce qu’il avait en

réserve pour elle et elle se mit à hurler.

Le sourire grimaçant de l’homme

noir s’ouvrit comme une entaille à ce bruit, énorme, scintillant, obscène dans

la nuit, tandis que la lune les contemplait distraitement, gonflée, crémeuse

comme un fromage blanc.

Le glas des hurlements de Nadine

semblait ne pas vouloir cesser tandis qu’elle essayait de lui échapper, mais il

parvint à l’immobiliser. Elle serra alors les cuisses de toutes ses forces et, lorsque

sa main vierge de toute ligne se glissa entre elles, elles se fendirent comme

les eaux de la mer et Nadine se dit : Je vais regarder en l’air… je

vais regarder la lune… je ne sentirai rien et tout sera fini… tout sera fini… je

ne sentirai rien…

Mais, quand sa froideur mortelle

se glissa en elle, son hurlement déchira ses poumons, zébra le silence, et elle

se débattit, mais sa lutte était vaine. Il l’éperonnait, bélier, envahisseur, et

un flot de sang froid coula le long de ses cuisses, puis il la pénétra, jusqu’au

fond, jusqu’à la matrice, et elle avalait la lune dans ses yeux, froide, feu d’argent,

et quand il cracha sa semence, ce fut comme un jet de fer en fusion, de fonte en fusion, de bronze en fusion, puis ce fut son tour à elle, dans un

hurlement de plaisir indicible, de terreur, d’horreur, et elle franchit les portes

de fonte et de bronze pour pénétrer dans les terres désertiques de la folie, poussée,

soufflée à travers ces portes comme une feuille par son rire tonitruant,

regardant son visage se fondre, masque hirsute d’un démon tirant la langue

juste au-dessus de sa tête, de grosses lampes jaunes en guise d’yeux, fenêtres

d’un enfer jamais imaginé, et pourtant remplies de cette folle bonne humeur, des

yeux qui avaient regardé au fond des ruelles obscures pendant des milliers et

des milliers de nuits ténébreuses, ces yeux brillants, scintillants, et finalement

stupides. Il recommença… encore… et encore. Il semblait ne jamais vouloir finir.

Froid. Il était mortellement froid. Et vieux. Plus vieux que l’humanité, plus

vieux que le monde. Une fois et une fois encore il la remplit de son hurlement

de son rire porté par la nuit. Terre. Lumière. Sa semence. Sa semence encore. Le

dernier hurlement s’échappe d’elle et le vent du désert l’efface, l’emporte au

fond des chambres les plus secrètes de la nuit, là où un millier d’âmes

attendent que leur nouveau propriétaire vienne les réclamer. Tête hirsute de démon,

langue pendante langue fourchue. Haleine de mort sur son visage. Elle était

désormais au pays de la folie. Les portes de fonte se refermèrent.

La lune… !

La lune allait

bientôt se coucher.

Il avait attrapé un autre lapin, avait

pris la petite chose tremblante dans ses mains nues, lui avait cassé le cou. Il

avait fait un autre feu sur les restes de l’ancien et le lapin était en train

de cuire, envoyant en l’air des rubans de savoureuses odeurs de viande grillée.

Il n’y avait plus de loups. Cette nuit, ils s’étaient tenus à l’écart – et c’était

bien ainsi. Après tout, c’était sa nuit de noces et cette chose informe hébétée,

apathique, assise de l’autre côté du feu, était sa jeune mariée rougissante.

Il se pencha et souleva la main

qu’elle avait posée sur son ventre. Quand il la lâcha, elle resta au même

endroit, au niveau de sa bouche. Il observa un instant le phénomène, puis

reposa sa main sur son ventre. Les doigts de la femme commencèrent à s’agiter

lentement comme des serpents sur le point de mourir. Il fit le geste de lui

crever les yeux avec deux doigts. Elle ne cilla pas. Son regard vide restait

fixe, immobile.

Il était franchement étonné.

Qu’avait-il bien pu lui faire ?

Il ne s’en souvenait pas.

Mais quelle importance ? Elle

était enceinte. Si elle était catatonique par-dessus le marché, quelle

importance ? L’incubateur parfait. Elle engendrerait son fils, le mettrait

au monde, puis elle pourrait mourir, sa mission accomplie. Après tout, c’était

pour cela qu’elle était ici.

Le lapin était cuit. Il lui cassa

l’échine en deux. Avec ses doigts, il déchiqueta en petits morceaux la moitié

réservée à sa femme, comme pour donner à manger à un bébé. Puis il lui donna la

becquée, une bouchée à la fois. Plusieurs morceaux tombèrent par terre, à

moitié mâchés, mais elle mangea presque tout. Si elle restait dans cet état, elle

allait avoir besoin d’une gouvernante. Jenny Engstrom, peut-être.

– Tu as très bien mangé, chérie,

dit-il d’une voix douce.

Elle regardait la lune, les yeux

vides. Flagg lui sourit gentiment et dévora son souper de noces.

Le sexe lui donnait toujours faim.

 

Il se réveilla

très tard dans la nuit et s’assit dans son sac de couchage, étourdi, inquiet… inquiet

à la manière instinctive d’un animal – d’un prédateur qui sent qu’on l’épie à

son tour.

Était-ce un rêve ? Une

vision… ?

Ils arrivent.

Effrayé, il essaya de se souvenir

de cette idée, de la placer dans un contexte. Impossible. Elle planait toute

seule, comme un mauvais sort.

Ils se rapprochent.

Qui ? Qui se rapprochait ?

Le vent de la nuit murmura à côté

de lui, semblant lui apporter une odeur. Quelqu’un approchait et…

Quelqu’un s’en va.

Tandis qu’il dormait, quelqu’un

était passé à côté de son camp, en direction de l’est. Le troisième, l’inconnu ?

Il ne le savait pas. C’était la nuit de la pleine lune. Le troisième s’était-il

échappé ? L’idée apportait avec elle comme un vent de panique.

Oui, mais qui s’approche ?

Il regarda Nadine. Elle était

endormie recroquevillée sur elle-même comme un fœtus, la position que son fils

prendrait dans son ventre dans quelques mois seulement.

Dans quelques mois ?

Il eut l’impression que les

choses commençaient à s’effriter autour de lui. Il se recoucha convaincu qu’il

ne dormirait plus de la nuit. Mais il dormit cependant. Et, lorsqu’il arriva à

Las Vegas le lendemain matin, il avait retrouvé son sourire et presque oublié

sa panique de la nuit précédente. Nadine était docilement assise sur la

banquette à côté de lui, grosse poupée ensemencée d’une graine soigneusement cachée

dans son ventre.

Il se rendit au MGM Grand Hotel

où il apprit ce qui s’était passé pendant qu’il dormait. Il vit un nouveau

regard dans leurs yeux, inquiet, interrogateur, et il sentit à nouveau la peur

l’effleurer de ses douces ailes de papillon de nuit.

 

le fléau
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